L'appellation générique de ces constructions

en pierre sèche est Cabanes.

Ici en Mâconnais nous les appelons

Cadoles ou Cadeules.

Ailleurs elles se nomment :

Cabanos en Quercy

Cayons ou Cayennes dans l'Yonne

Louèges dans l'Avallonais

Loges dans le Berry

Borniottes du Morvan

Bories dans le Périgord ou Bori en Provence

Cabiotes dans le Dijonnais

 

A ce jour, sur la commune de Martailly-lès-Brancion, il a été répertorié plus de 165 Cadeules, toutes ne sont pas en état, seule une bonne cinquantaine sont complétement intact, disons qu'elles sont dans leur jus, et ont su résister aux assauts du temps.

Cet inventaire méthodique de ce patrimoine local, a permis une géolocalisation précise de nos Cadeules., qui suivent 3 grands axes principaux + une concentration moins importante au niveau "des Ravons".

Axe 1 : "Les Fingelles""Le Cray"

Axe 2 : "Le Four à Chaux""Les Cours du Bout"

Axe 3 : "La Montagne""Le Gros Bois" – "Le Charnay"


Après un travail de fourmis ou plutôt de sangliers, car il fallait se frayer avec les feuilles du cadastre des passages sous les ronciers et les buis épais qui agrémentent notre commune.

Il y a eu ensuite la recherche des propriétaires de parcelles sur lesquelles se trouvaient les cadoles. Il faut savoir que Martailly est constitué d'un ensemble de toutes petites parcelles, et que ces petits territoires sont des emplacements privés. Sur les 38 propriétaires répertoriés, 32 ont signé avec l'association "Les Cadeules de Martailly" un contrat d'Autorisation de Passage par lequel il est donné à l'association, le droit de passer et/ou d'intervenir sur ces terrains privés.

Aujourd'hui, c'est grâce à ce travail, que nous avons la possibilité de pouvoir vous emmener sur "le Chemin des Cadeules de Martailly".

Après ce bref résumé de notre passion, entrons dans un coté un peu plus secret.

De tous temps, la pierre a servi à l'homme à confectionner des outils, à produire le feu, à construire des abris et par la suite nos maisons.

Les différents édifices murets (Murgers ou Meurgers) et abris en pierre sèche au bord de nos chemins ou enfouis dans les taillis. Celles-ci nous montre ce que, avec du courage et avec leurs mains nos anciens avaient construit.

Voici un petit extrait de ce que Christian Lassure mentionne dans :

"La genèse des paysages lithiques d'origine agricole :

les faiseurs de murailles et de cabanes en pierre sèche

dans la France des XVIIème – XIXème siècles".

C'est à la fin de l'Ancien Régime, qu'il faut faire débuter ces grands travaux d'aménagement agricole qui devaient se poursuivre en s'amplifiant durant une bonne partie du XIXème siècle, parallèlement à l'essor démographique rural qui, commencé au XVIème siècle, s'accéléra au milieu du XVIIIème pour se développer durant les trois quarts du XIXème siècle.

C'est un fait désormais bien connu que les divers encouragements royaux à défricher dispensés tout au long du XVIIIème siècle (en 1714, 1766 et 1770 notamment) finirent par porter leurs fruits dans le dernier tiers de ce siècle : alléchés par une promesse d'exemption d'impôts pour une durée de 15 ans dès la mise en culture, tout un petit peuple se porta acquéreur, principalement vers 1770-1778, de terres vacantes appartenant à la communauté, affichées en mairie (1). De ces parcelles incultes, éloignées du village, les défricheurs allaient faire des terres cultivables, des champs aménagés, et ce pendant une centaine d'années à cheval sur le dernier quart du XVIIIème siècle et les trois premiers quarts du XIXème.

Puis avec le temps, il y a eu le progrès technologique et avec cela le progrès de l'outillage et de la taille.

C'est un fait notoire que le fer est resté rare (et cher) dans les campagnes françaises jusque dans la 2ème moitié du XVIIIème siècle. Si l'on prend l'inventaire après décès, datant de 1620, de François Boissot, vigneron pauvre de Plottes dans le Tournugeois, on trouve un goy (petite faucille), une serpe, un volant, une grande et une petite pioche. Dans l'inventaire après décès, datant de 1689, de Guillaume Pommier, vigneron aisé du même village, on trouve deux pioches en fer, un baeselon (sarcloir), deux faucilles, deux goys (2). L'outillage d'extraction se limite, dans l'un et l'autre cas, à deux pioches en fer.

Il faut savoir en outre que le fer n'a été remplacé par l'acier, plus résistant, qu'à partir de la 2ème moitié du XIXème siècle (3). C'est à cette époque que se sont répandus dans la paysannerie les outils de carrier, de maçon et de tailleur de pierre car produits en série et à un prix abordable. Il est difficile de ne pas penser qu'il y ait un lien entre la popularisation de l'outillage d'extraction et de taille de la pierre et la production des murailles, guérites, clapiers et aménagements divers en pierre sèche.

Source Christian Lassure - CERAV

Nos Cadeules pour la plus part datent de cette période. Ici le d'épierrement était fait pour laisser place à la vigne, bien que sur notre territoire et au vue de leurs emplacements certaines de nos Cadeules devaient abriter des laviers, des bucherons ou des charbonniers.

Puis vint la grande période entre 1860 et 1890 ou les vignobles ont été touchés par le phylloxera (minuscule insecte piqueur inféodé à la vigne). Les vignes détruites, il a fallu de nombreuses années pour recréer ou modifier nos paysages. Les dernières constructions de Cadeules doivent au plus dater du début du XXème siècle. Mais vient ensuite le travail intensif et mécanisé de la vigne, et les temps ne sont plus au d'épierrement.

Maintenant, il ne nous reste plus qu'à les sauvegarder, les réparer, les entretenir, pour vous les faire partager.


Notes

(1) Cf. André Cablat, Les cabanes de défricheurs du Larzac héraultais, dans L'architecture vernaculaire rurale, t. 4, 1980, pp. 85-93.

(2) Cf. Georges Bellicot, Les cadoles du Roy Guillaume, Société des amis des arts et sciences de Tournus, 1988, tiré à part, pp. 1-39, en part. p. 8.

(3) Cf. Jacques Schnetzler, Nos terrasses de versants, "faisses" et "accols", sont-elles datables ? L'exemple du pays des Vans aux confins de l'Ardèche, du Gard et de la Lozère, dans L'architecture vernaculaire, t. 24, 2000, pp. 47-57, en part. p. 48. Cet auteur rappelle fort justement qu' "Au XVIe siècle, au Vans, une enclume de forgeron coûte le salaire annuel d’un compagnon de forge".

 

MARTAILLY-lès-BRANCION - Cadastre 1833

 

MARTAILLY-lès-BRANCION - Cadastre 1833 (extrait)